C'était une journée comme une autre, aujourd'hui. Plus belle que la veille, moins que le lendemain. Mais certainement identique en plusieurs points. Après tout, que l'on soit lundi, mardi, mercredi ou dimanche, cela ne changeait strictement rien. C'était les vacances aujourd'hui. Les belles, les douces, les sucrées. Celles que tout le monde attend avec impatience. Tout le monde ? Non, une adolescente têtue et chiante résiste encore et toujours à l'envahisseur. Pourtant c'est pas faute d'avoir essayé de l'embarquer dans ce fatras habituelle de fin de journée. Vous savez, là, le vendredi soir, quand tous les élèves sont excités, même les internes qui se disent qu'ils rentrent enfin chez eux. Elle se souvient très bien de la Petite Blonde, une amie a elle qu'elle ne s'était jamais décidée à appeler par son nom, lui avait si gentiment proposé de venir chez elle pour ces vacances là. Mais, non. Elle avait refusé poliment en lui sortant la dernière tirade de Shakespeare qu'elle avait en tête, et ça avait apparemment suffit à la convaincre. Peut-être était-ce l'utilisation abusive de « Ma tendre » et « Mon aimée »qui l'avait effrayée. C'est vrai qu'il n'y avait que Robin pour comprendre ce type de langage.

Enfin bref. C'était les vacances et ça ne changeait vraiment rien pour elle. Il n'y avait bien qu'aux congés d'été et aux quelques jours de Noël qu'elle quittait cette prison nommée Altum. Mais bon, comme ça faisait maintenant six ans que c'était comme ça, ça ne la dérangeait pas plus que ça, elle était habituée. Et puis quel bonheur de pouvoir se balader dans les couloirs sans craindre quelconques remontrances. Elle est les quelques autres, peu nombreux, qui restaient se faisaient un plaisir de s'éclater dans ces couloirs sombres et inquiétants en l'absence d'élève. Le plus drôle c'était d'effrayé les premières années restés eux aussi. Mais bon, là, elle n'avait pas trop la tête à ça et personne pour l'aider, en plus. Il était bien trop tôt pour un adolescent qui se couchait en moyenne à minuit. Il était bien trop tôt tout court, en fait, et elle savait qu'ainsi, personne ne viendrait la déranger.

Elle se redressa soudain et s'appuya sur le sol pour se mettre debout, casque sur la tête et lecteur mp3 dans la poche, avec l'envoutante musique qu'elle écoutait, elle avait l'impression d'être dans un film. Le soleil n'était même pas présent quand elle était montée, et là il pointait à peine le bout de son nez. Elle n'avait pas regardé l'heure, trop pressée de sortir pour prendre l'air, mais il était vraiment très tôt. Et elle ne savait pas combien de temps elle était restait étendue les yeux fermés sur le sol froid du toit. Elle prit dans sa tête la résolution de descendre dès que le réfectoire ouvrirait. Mais ce n'était certainement pas pour tout de suite. D'un pas léger elle s'approcha du bord du toit et sauta sur la barrière avec l'agilité d'un chat. Prenant son équilibre, elle tendit les bras et se mit à faire la funambule, comme elle le faisait lorsqu'elle était enfant. Mais c'était en cours, sous la surveillance d'adultes responsables et avec un filet en dessous d'elle au cas ou elle serait tombée. Mais elle s'en moquait, ne regardant même pas ses pieds pour voir où elle les plaçait, et surtout pour ne pas voir le vide à sa gauche.

Elle s'était toujours demandée pourquoi elle ne supportait pas de prendre l'avion si ce n'était pas la peur du vide qui l'en empêchait. Après tout, elle était capable de magnifiques figures de trapéziste sans jamais éprouver la moindre peur quand à tomber une dizaine de mètres plus bas. Alors pourquoi la perspective de monter dans un engin volant l'effrayait-elle à ce point ? Elle n'en avait pas la moindre idée, et elle s'en moquait franchement, pour le moment, il n'y avait aucune raison qu'elle repense à son pire cauchemar.

Elle se figea soudain. La musique dans ses oreilles venait à peine de se finir qu'elle entendit des pas. Très légers, mais bien présents. Mais elle ne se retourna pas. A tous les coups ça devait être un élève curieux qui s'était réveillé et qui l'avait vu monter plus tôt et qui ne la voyant pas redescendre se demandait ce qu'elle faisait.

« -Qui a eu l'idée imbécile de venir sur le toit alors que le soleil n'est même pas levé ? Et c'est pas la peine de répondre que je suis la première a l'avoir fait, moi j'ai le droit irrévocable de le faire. »